Les primes versées aux salariés sous forme de participation et d’intéressement ont progressé bien plus vite que l’inflation, nous apprend la DARES, le service des statistiques du ministère du Travail, dans sa dernière étude. Cette montée en puissance, amorcée dans les années 1980, s’est confirmée décennie après décennie.
Épargne salariale : un vrai bon plan anti-inflation, chiffres à l’appui

Quand les primes prennent le pas sur l’inflation
Elles sont longtemps restées au second plan, reléguées aux notes de bas de fiche de paie. Pourtant, depuis quarante ans, les primes d’intéressement et de participation grimpent à un rythme que peu de postes budgétaires peuvent suivre. Entre 1983 et 2023, le montant moyen de la prime de participation a bondi de 5,7% par an en euros constants, là où les prix n’ont progressé que de 2,1% par an.
En valeur absolue, le contraste est encore plus saisissant. La prime moyenne de participation s’élevait à 1.253 euros en 1983. Quarante ans plus tard, elle atteint 1.961 euros, pour un total versé de 11,5 milliards d’euros. Autre constat : l’intéressement, introduit dans les années 1960 mais largement utilisé depuis les années 1990, a lui aussi connu une accélération. En 1992, un salarié percevait en moyenne 1.216 euros ; en 2023, la somme atteint 2.088 euros. Soit une hausse annuelle de 3,2%, là encore bien au-dessus du rythme des prix.
Épargne salariale : la préférence pour le placement
Mais ces primes, les salariés ne les consomment pas toujours. Mieux, ils les investissent. En 2023, 60% des montants issus de la participation et de l’intéressement ont été placés dans un Plan d’Épargne Entreprise (PEE) ou un Plan d’Épargne Retraite Collectif (PERCO ou PER collectif). Une stratégie payante fiscalement : lorsqu’elles sont investies, ces primes échappent à l’impôt sur le revenu, dans la limite des plafonds légaux. Si elles sont perçues immédiatement, elles deviennent imposables.
Ce choix d’épargne est d’autant plus encouragé que les employeurs y mettent aussi du leur. Le système des « abondements » permet aux entreprises de compléter les sommes placées. En 2023, ces abondements s’élevaient à 815 euros en moyenne pour les PEE, presque le double des 459 euros observés en 2000. Pour les PERCO et PER collectifs, la hausse est plus mesurée, mais néanmoins notable.
Une dynamique encouragée par l’État… et les entreprises
Au fil du temps, plusieurs réformes ont contribué à amplifier le phénomène. La loi PACTE de 2019, notamment, a simplifié les dispositifs, incité les TPE à proposer ces plans et facilité la portabilité des droits entre entreprises. Résultat : de plus en plus de salariés en bénéficient. En 2023, 45,2% des salariés du privé non agricole étaient concernés. Pour la participation, le nombre de bénéficiaires est passé de 2,9 millions en 1983 à 5,8 millions en 2023. Pour l’intéressement, on est passé de 1,9 million en 1992 à 5,6 millions.
Les entreprises y trouvent aussi leur compte. Ces primes permettent de récompenser sans alourdir la masse salariale fixe, et de jouer sur des leviers fiscaux avantageux. Un levier de gestion sociale, mais aussi un outil de fidélisation.
Derrière la moyenne, une réalité contrastée
Bien sûr, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Les grandes entreprises, mieux armées financièrement, distribuent plus que les PME. Certains secteurs, comme la finance ou l’énergie, versent des primes généreuses, tandis que d’autres les ignorent encore. Et malgré leur progression, ces dispositifs restent inégalement répartis.
Mais la tendance est claire : année après année, ces compléments deviennent des marqueurs structurants de la rémunération des salariés. À tel point qu’ils influencent même les négociations collectives et les stratégies salariales.