Le 30 juin 2025, la découverte de gisements d’hydrogène naturel dans le sous-sol français a été confirmée par le Ministère de l’Économie. Bien plus qu’un signal géologique, cette découverte suscite une question stratégique : peut-elle structurer une filière industrielle pérenne en France ?
Hydrogène blanc : un nouveau moteur industriel pour l’économie française ?
Une ressource énergétique à bas coût
L’hydrogène blanc, aussi appelé hydrogène natif, se distingue de l’hydrogène gris – produit à partir du gaz naturel – et de l’hydrogène vert, issu d’électrolyse. Il est naturellement présent dans le sous-sol, piégé dans des failles géologiques.
Selon une synthèse technique du ministère de la Transition écologique, le coût d’extraction de l’hydrogène natif pourrait tomber en dessous de 1 €/kg, le rendant bien plus compétitif que les technologies actuelles.
Une filière à bâtir : exploration, stockage, transport
Pour transformer ce potentiel en valeur économique, la France doit bâtir une filière complète, de l’exploration à la distribution. L’IFPEN est à la manœuvre pour développer des solutions de modélisation de réservoirs et des méthodes de stockage de l’hydrogène natif, en partenariat avec le BRGM et le CNRS.
Les enjeux sont aussi logistiques : l’hydrogène est une molécule instable, ultra-volatile, dont le transport par pipeline ou camion cryogénique exige des normes spécifiques.
Des financements à mobiliser
Le développement d’une telle filière nécessite des investissements massifs. Le fonds Hy24, piloté par Ardian et FiveT Hydrogen, a levé plus de 1,5 milliard d’euros pour soutenir les projets d’hydrogène bas carbone. Si l’hydrogène natif intègre cette dynamique, il pourrait capter des financements majeurs pour les phases de forage, d’infrastructure et de valorisation.
Retombées industrielles et territoriales
Les zones à potentiel – bassin aquitain, piémont pyrénéen, bassin houiller lorrain – pourraient devenir des bassins d’emplois spécialisés. Selon l’ADEME, la filière hydrogène dans son ensemble pourrait générer 100 000 emplois en France d’ici 2030.
Ce développement nécessiterait des centres de forage, des plateformes de stockage, et une chaîne logistique complète, mobilisant PME, universités techniques, et équipementiers.
Vers un marché concurrentiel mondial
La France doit accélérer si elle veut jouer un rôle sur le marché international. Les États-Unis, l’Australie et l’Afrique de l’Ouest développent déjà des projets pilotes d’hydrogène natif.
L’exemple français le plus avancé est celui de la start-up française 45-8 Energy, dont les forages dans le bassin houiller lorrain pourraient à terme couvrir une part significative de la demande nationale.
Un cadre juridique en évolution
En 2022, le code minier a été modifié pour reconnaître l’hydrogène natif comme ressource exploitable.
Deux permis exclusifs de recherche ont été délivrés en mars 2025 dans les Landes et les Pyrénées.
Pour les investisseurs, un cadre fiscal clair et incitatif, associé à des garanties de stabilité, sera essentiel.
La structuration d’une filière industrielle française autour de l’hydrogène natif n’est pas une simple perspective. Elle représente une opportunité économique majeure, susceptible de réindustrialiser certains territoires, de créer des emplois qualifiés, et de renforcer la souveraineté énergétique du pays.
Mais ce basculement repose sur une triple condition : la validation géologique des réserves, l’engagement des acteurs économiques, et la construction d’un modèle réglementaire et fiscal à la hauteur de l’enjeu.