La revanche boursière de l’Europe : l’exception qui confirme la règle

Alors que les marchés américains ont vacillé en ce début d’année 2025, sous l’effet des droits de douane imposés par Donald Trump et de tensions obligataires croissantes, les places boursières européennes ont étonnamment résisté. Mais derrière cette performance ponctuelle se cache une réalité plus préoccupante : la sous-performance chronique de l’Europe face aux États-Unis.

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By Matéis Mouflet Published on 3 juillet 2025 4h30
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Vol annulé sans préavis : Air France condamnée - © Economie Matin
5%En 2024, selon EY, les investissements étrangers aux États-Unis ont augmenté de 20%, alors qu’ils ont reculé de 5% en Europe.

L’Europe en tête : une rare éclaircie face à Wall Street

Depuis le début de l’année 2025, les marchés boursiers européens ont fait preuve d’une résilience remarquable face à leurs homologues américains. Le 8 avril, au plus fort de la correction ayant suivi l’annonce de nouveaux droits de douane américains par Donald Trump, le S&P 500 affichait une baisse de 15% depuis le 1er janvier, le Nasdaq 100 faisait encore pire et chutait de 18,5%. À l’inverse, les places européennes bénéficiaient d’un fort aflux de capitaux, stimulé par des investissements massifs dans la défense et par l’une des plus importantes rotations géographiques d’actifs de la dernière décennie. Les investisseurs délaissaient massivement les actifs américains – y compris le dollar et les obligations souveraines – au profit d’actifs européens. Ainsi, les indices européens ne reculaient que de 1 à 4% à la même date. Cette performance est d’autant plus notable que le dollar a perdu 9% face à l’euro entre le 1er janvier et le 13 avril, accentuant les pertes des investisseurs non exposés au vieux continent.

Quand les marchés grondent, Trump s’adapte

Mais peu après le « Libération Day », le président américain a été rapidement contraint d’adopter un ton plus conciliant. Car s’il redoute la chute des marchés, il craint encore davantage la hausse des taux sur la dette fédérale. Les taux à 10 ans atteignaient alors 4,6%, contre 4,1% un mois plus tôt. C’était le signal d’une tension aiguë sur le marché obligataire mais aussi d’un blocage de la politique monétaire. Devant des droits de douane très inflationnistes, la Réserve fédérale ne pouvait pas envisager une baisse des taux, souhait pourtant central pour Donald Trump. Pour lui, une baisse des taux est synonyme d’un nouveau cycle haussier des marchés – une dynamique à laquelle il est personnellement attaché, ayant publiquement lié son destin politique à la performance du S&P 500.

Confronté à cette impasse, il a annoncé une suspension de 90 jours des tarifs avec la majorité des partenaires commerciaux, à l’exception de la Chine. Un accord spécifique avec Pékin est finalement intervenu la semaine dernière, réduisant également les droits appliqués aux produits chinois.

Ces annonces ont provoqué une forte reprise en « V » des marchés de part et d’autre de l’Atlantique. Depuis leurs points bas, le S&P 500 et le Nasdaq 100 ont respectivement rebondi de 20% et 27%. En Europe, la dynamique est similaire, bien que moins marquée : le CAC 40 a progressé de 12%, l’Euro Stoxx 600 de près de 16%, tandis que seul le DAX a efleuré le S&P 500 avec un gain de 19,3%.

L’Europe boursière à la traîne : une tendance structurelle

Il s’agit là d’une constante : le marché européen amplifie les baisses américaines, mais ne bénéficie pas pleinement de leurs hausses. Résultat, une sous-performance chronique depuis les années 1980, ponctuellement interrompue par des épisodes de surperformance, comme en 2022 ou en ce début d’année 2025. Ces épisodes coïncident souvent avec des périodes de repli des grandes entreprises technologiques américaines, véritables moteurs de la croissance outre- Atlantique. Une fois leurs difficultés surmontées, ces dernières repartent de plus belle, laissant les marchés européens à la traîne. Sur les 20 dernières années, le S&P 500 n’a connu que quatre années négatives, contre sept pour le CAC 40 et six pour l’Euro Stoxx 50. Sur la même période, le CAC 40 n’a surpassé le S&P 500 qu’à cinq reprises. Depuis 2008, le rendement annuel moyen du S&P 500 atteint 11,1%, contre seulement 6,3% pour le CAC 40.

Y-a-t ’il un espoir pour l’Europe ?

Cette faiblesse structurelle est parfaitement analysée dans le rapport Draghi, rédigé par l’ancien président de la BCE. Il y affirme que, sans réforme en profondeur de la fiscalité, de la réglementation et sans investissements massifs dans la technologie et l’industrie, les entreprises européennes resteront toujours moins compétitives que leurs concurrentes américaines. En 2024, selon EY, les investissements étrangers aux États-Unis ont augmenté de 20%, alors qu’ils ont reculé de 5% en Europe. Seules 942 entreprises américaines ont choisi d’investir en Europe, un plus bas en dix ans. Les deux années précédentes avaient déjà connu des baisses de 24% et 11%. L’incertitude liée à la politique tarifaire américaine n’a en rien inversé cette tendance. L’Arabie Saoudite a même annoncé investir près de 600 milliards de dollars aux États- Unis, dont 142 milliards dans la défense. Dans le même temps en France, Sanofi et CMA-CGM prévoient d’y investir 20 milliards de dollars chacun.

Ce rapport nous semble être d’une pertinence rare. Il devrait être mis en œuvre sans délai. Faute de quoi, l’Amérique continuera d’occuper la première place dans le cœur des investisseurs… et dans les classements boursiers.

Mmouflet

Analyste marchés chez XTB France

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