La France est engluée dans une crise politique depuis qu’Emmanuel Macron a dissous le parlement il y a un peu plus d’un an. Le rejet du budget pour 2025 par une motion de censure en décembre dernier a suscité des inquiétudes supplémentaires quant à la capacité de la France à gérer la détérioration de ses perspectives fiscales, entraînant une dégradation de la note de la France à Aa3 contre Aa2 par l’agence de notation Moody’s et provoquant une hausse de 60 points de base du rendement de l’OAT à 10 ans.
Crise budgétaire en France : instabilité politique, déficit record et alerte sur la dette souveraine

Le paysage politique reste fragile. Le plan de François Bayrou d'introduire un budget 2026 avec des coupes de dépenses significatives dans les semaines à venir augmentera sans aucun doute l'instabilité politique et mènera à une levée de bouclier. Autrement dit, une nouvelle crise budgétaire semble se dessiner alors que la situation fiscale est chaotique.
L’équivalent français du One Big Beautiful Bill américain : One Big Beautiful Bordel
La France affiche le plus gros déficit budgétaire de la zone euro et possède le troisième ratio dette publique/PIB le plus élevé, à 112%, derrière l'Italie et la Grèce. Ces deux dernières années ont été marquées par un glissement significatif. Le FMI prévoit une détérioration continue des finances françaises d'ici 2030, alors que les pays limitrophes devraient réussir à consolider leurs finances publiques.
Pour aggraver les choses, la marge fiscale de la France va se réduire l'année prochaine en raison de paiements d'intérêts plus élevés et d'une augmentation des dépenses militaires. La charge de la dette a été gérable jusqu'à présent parce que les taux d'intérêt bas ont maintenu l'arithmétique de la dette de la France bénigne, mais ce n'est plus le cas. Les dépenses d'intérêts devraient augmenter à 3,6 % du PIB d’ici 2029 contre 2,2 % en 2025, dépassant le précédent record établi en 1996.
Les 50 milliards d'euros d'économies inclus dans le budget 2025 sont insuffisants pour contenir les déficits. Bayrou et Macron se sont engagés à ne pas augmenter les impôts, laissant au gouvernement le soin de mettre en œuvre des coupes dans les dépenses publiques. Bayrou vise à mettre en œuvre une compression budgétaire de 40 milliards d'euros en 2026, ciblant les dépenses de protection sociale. En 2023, ces dépenses représentaient plus de 23 % du PIB, bien au-dessus de la moyenne de l'UE.
Ces économies supplémentaires ne sont pas destinées à remettre immédiatement la France sur la bonne voie fiscale. François Bayrou joue gros avec un budget conservateur pour 2026. Finira-t-il l'année en tant que premier ministre ? Peu probable. L'extrême gauche et l'extrême droite utiliseront n'importe quel prétexte pour renverser son gouvernement minoritaire. Ils ont déjà menacé de le destituer au sujet de l'âge légal de la retraite, qu'ils veulent ramener à 62 ans au lieu de 64.
Quelles implications pour la dette obligataire ?
Les risques politiques croissants, une deuxième crise budgétaire potentielle et une détérioration des perspectives fiscales créent un terrain fertile pour des taux de rendement plus élevés et plus volatils. Le rendement de l'OAT française à 10 ans a déjà convergé avec les rendements périphériques européens. Au moment de l’élection d’Emmanuel Macron en mai 2017, l'écart entre les obligations d'État grecques et françaises était proche de 490 points de base. Aujourd'hui, l'écart est proche de zéro.
Quant à l'écart OAT/Bund, il s'est quelque peu resserré depuis décembre dernier mais reste au même niveau que lors du pic de la crise de la dette souveraine européenne. Un modèle d'écart OAT/Bund indique un resserrement de 10 à 15 points de base à court terme. Sur une base ajustée au risque, cela n'est pas attractif. Les obligations d'État espagnoles et grecques, qui offrent une prime de rendement similaire mais avec moins de risque de baisse, sont bien plus attractives.
Conclusions
Les perspectives fiscales de la France devraient se détériorer de manière significative en l'absence de coupes importantes dans les dépenses publiques. Les dépenses pour les retraites et la protection sociale sont des cibles de réduction évidentes, mais cela sera extrêmement impopulaire. La situation politique risque de s’envenimer dans les semaines à venir.
Les investisseurs devraient continuer à sous-pondérer les obligations souveraines françaises au sein des portefeuilles de revenus fixes européens. Sur une base ajustée au risque, les obligations d'État espagnoles et grecques sont plus attractives.