Le 24 juin 2025, l’Institut Rexecode publiait de nouvelles projections sur l’évolution des gaz à effet de serre en France. Ces données confirment une tendance amorcée en 2024 : la baisse se poursuit, mais à un rythme modéré. Or, l’objectif climatique fixé à l’horizon 2030 exige des efforts bien plus ambitieux. Comment expliquer ce tassement des émissions ? Et surtout, que révèle-t-il sur la capacité du pays à maintenir son cap climatique ?
Objectifs climatiques en péril : les émissions françaises de CO2 diminuent moins vite

Une dynamique en déclin : la baisse se poursuit mais ralentit
La France a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 32% entre 1990 et 2024. L’accélération observée après 2022, liée au choc énergétique, avait pourtant suscité l’espoir d’un tournant structurel. Mais selon l'Institut Rexecode, cette baisse s’établira à 2% en 2025, contre –6,8 % en 2023 et –1,8 % en 2024.
Les chiffres du CITEPA, organisme de référence, confirment la tendance : en moyenne, les émissions françaises hors puits de carbone s’établissent autour de 406 millions de tonnes équivalent CO₂ par an (2019–2023), bien que l’objectif national implique de descendre à 270 MtCO₂e en 2030.
L'énergie, les transports et l’industrie manufacturière voient leurs émissions baisser, pas l'agriculture
L’industrie manufacturière, historiquement contributeur majeur à la baisse, poursuit sa décrue : –1,3 % en 2025 selon Rexecode. Cette tendance est renforcée par une conjoncture économique dégradée qui freine la production.
Le secteur de l’énergie, quant à lui, continue de se contracter grâce au retour du parc nucléaire et à la montée en puissance de l’éolien (+32% sur un an). Résultat : une baisse supplémentaire des émissions de 2,3%.
Mais c’est le transport routier, principal émetteur en France, qui surprend : avec une baisse estimée à 3,3%, il devient un moteur de la transition. Cette amélioration s’explique à la fois par une baisse de consommation au kilomètre et une légère hausse des véhicules électriques, bien que leur pénétration reste limitée.
À l’inverse, l’agriculture reste quasi-stable (–1,1%), freinée par des facteurs structurels comme l’élevage et l’usage des engrais, difficilement compressibles à court terme. Le traitement des déchets, enfin, reste figé (–0,2 %), illustrant la stagnation de certaines politiques locales.
Choc énergétique : une accélération qui ne dure pas
La période 2022–2024 avait été marquée par une accélération inédite de la baisse des émissions, sous l’effet du choc énergétique. Hausse des prix du gaz, campagnes de sobriété, recours aux pompes à chaleur... autant de facteurs qui ont temporairement dopé la transition.
Mais selon Rexecode, ces ajustements étaient en partie conjoncturels. La stabilisation des prix et le retour à des usages classiques (notamment dans le bâtiment) limitent désormais leur effet. Les émissions par mètre carré chauffé baissent, mais moins vite. Quant aux gains de sobriété, ils s’estompent avec le temps.
Objectifs 2030 : un cap déjà menacé
La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) exige une réduction moyenne de 4,7% par an entre 2022 et 2030. Or, en 2025, la baisse serait de 2% seulement. Le constat est sans appel : « Ce rythme interroge la capacité de la France à tenir ses objectifs climatiques ».
Même l’INSEE, dans sa note de conjoncture du 18 juin 2025, table sur une baisse de seulement 1,3%, bien en deçà des exigences. Ce ralentissement est d’autant plus préoccupant qu’il s’accompagne d’une légère reprise économique prévue à +0,6% de PIB.
Vers des solutions structurelles ou un échec programmé ?
Dans son rapport, le think-tank plaide pour un changement d’échelle : la baisse ne pourra désormais venir que d’investissements massifs et durables. Électrification des flottes, rénovation énergétique des logements, transition agricole, développement des énergies renouvelables… autant de chantiers structurels encore sous-dimensionnés.
Enfin, un avertissement majeur s’impose : ne pas confondre baisse des émissions domestiques et réduction réelle de notre empreinte carbone. L’analyse des émissions importées, encore incomplète, pourrait révéler des déplacements de pollution hors du territoire national. La vigilance est donc de mise.