Airbags défectueux : Takata dans le viseur des juges français

Une information judiciaire a été officiellement ouverte par le parquet de Paris à l’encontre du groupe japonais Takata. Les accusations : tromperie aggravée, pratiques commerciales trompeuses, non-information et mise en danger de la vie d’autrui. Trois accusations lourdes, portées par des faits sanglants : trois morts en France, des véhicules pulvérisés de l’intérieur et un dispositif de sécurité devenu cause de décès.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 23 juin 2025 8h02
Airbags Takata Nouvelle Victime Immobilise
Airbags défectueux : Takata dans le viseur des juges français - © Economie Matin
441.000441.000 véhicules ont été rappelés en Europe par le constructeur Citroën à cause de ces airbags, selon les données transmises par Stellantis.

Airbags Takata : des victimes par dizaines et une mécanique judiciaire enclenchée

Derrière l’étiquette « airbag », une tragédie industrielle à grande échelle. Depuis 2021, 18 morts et 25 blessés ont été recensés en France, selon les chiffres du ministère des Transports. Une majorité de ces drames s’est produite en outre-mer : 16 décès et 24 blessés précisément. Le point commun ? Le même composant, le même fabricant, la même erreur. Un défaut de conception logé dans une cartouche contenant du nitrate d’ammonium, instable sous chaleur et humidité. Résultat : les airbags explosent au lieu de se déployer.

La France n’a pas attendu pour activer ses leviers judiciaires. En Martinique (28 décembre 2021), dans les Hautes-Pyrénées (18 novembre 2023), et à Reims (11 juin 2025), trois décès ont poussé les parquets locaux à se dessaisir. L’affaire a été confiée à la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Paris, signe de sa gravité.

Takata dans le viseur : l’onde de choc juridique frappe Stellantis et Citroën

« Les trois accidents font l’objet d’une information judiciaire depuis le 16 avril 2025, centralisée par la JIRS de Paris », vient de confirmer le parquet de Paris. L’enquête est nourrie par les plaintes déposées par UFC‑Que Choisir et plusieurs automobilistes propriétaires de véhicules Citroën C3 et DS3. Ces modèles, produits entre 2009 et 2017, sont toujours en circulation, souvent dans des zones où les facteurs climatiques accélèrent la détérioration du gaz propulseur.

L’affaire dépasse le cas Takata : le constructeur Citroën (groupe Stellantis) a déclenché en juin 2025 une procédure d’immobilisation totale — le « stop drive » — sur l’ensemble des véhicules encore équipés de ces airbags défectueux. 82.000 voitures sont concernées en France. Le ministère évoque même 441.000 véhicules au niveau européen.
Explosions en série, autopsie accablante : la cartouche de nitrate d’ammonium au cœur du scandale

Ce que les techniciens appellent un dispositif pyrotechnique de sécurité est devenu un instrument létal. Le mécanisme incriminé ? Une cartouche de gaz propulseur, scellée à l’origine mais perméable au temps et à l’humidité. Sous pression, elle se transforme en charge explosive. L’autopsie de la victime rémoise a confirmé : l’airbag avait projeté des fragments métalliques dans le larynx, entraînant une mort immédiate.

Le scénario est glaçant : les airbags Takata — censés sauver des vies — tuent à l’ouverture. Et ce n’est pas nouveau. Aux États-Unis et au Japon, les rappels ont commencé dès 2008. En France, ils n'ont véritablement pris corps qu’en 2024, via des campagnes de rappel massives.

Un passif mondial et une réaction tardive : Takata déjà condamné, mais encore présent

Takata, déjà en faillite depuis 2017, a pourtant vu ses airbags survivre dans les entrailles de millions de véhicules. Le géant japonais avait reconnu dès 2015 des défauts de sécurité majeurs. Aux États-Unis, l’entreprise a versé plus d’un milliard de dollars en indemnités. Mais en France, l’onde de choc est restée longtemps contenue. Ce n’est qu’après le décès de Reims, en juin dernier, que la justice a franchi le pas d’une information judiciaire formelle.

Les campagnes de rappel, encore en cours, sont complexes à exécuter. De nombreux propriétaires ignorent que leur véhicule est équipé d’un dispositif défectueux. « Il y a urgence à retirer tous les airbags Takata encore en circulation », a affirmé Xavier Chardon, président de Citroën France.

Victimes en quête de vérité : une bataille judiciaire au long cours

Les familles des victimes, soutenues par des associations comme UFC‑Que Choisir, réclament transparence et responsabilité. Le parquet de Paris a d’ores et déjà identifié les infractions potentielles : tromperie aggravée, non-information, mise en danger de la vie d’autrui. En clair, Takata pourrait être poursuivi pour avoir continué à commercialiser un produit dont les défauts étaient connus.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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