La dette du gouvernement américain est-elle viable ?

Le gouvernement américain, comme celui de nombreux autres pays, a un encours de dette important. Cette dette est financée pour l’essentiel par l’émission de titres du Trésor, qui comprennent les bons du Trésor (à court terme), les notes du Trésor (à moyen terme) et les obligations du Trésor (à long terme), et ces titres servent d’instruments clés sur les marchés financiers. Les investisseurs sont des particuliers, des entreprises, des fonds de pension, la Réserve fédérale et d’autres gouvernements. Au sens large, il s’agit de la dette détenue par le public.

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By Sam Vereecke Published on 23 juin 2025 5h00
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Énergie : qu’est-ce que l'état d'urgence décrété par Trump ? - © Economie Matin
36000 MILLIARDS $LA dette des Etats-Unis a dépassé les 36000 milliards de dollars.

Le montant total actuel de la dette détenue par le public est d'environ 28,9 billions de dollars, soit 98,1 % du produit intérieur brut (PIB) des États-Unis (un billion équivaut à mille milliards).

En revanche, le gouvernement américain a également une dette intra gouvernementale, qui consiste principalement en des obligations que le gouvernement fédéral doit à des fonds fiduciaires tels que la sécurité sociale et Medicare. Elle représente un montant relativement plus faible de 7 300 milliards de dollars, soit 24,6 % du PIB. En tant qu'investisseurs, nous sommes plus préoccupés par la dette détenue par le public, car ces titres doivent être constamment refinancés sur le marché.

La dette totale, comprenant à la fois la dette détenue par le public et la dette intra-gouvernementale, s'élève donc à 36 200 milliards de dollars, soit 122,7 % du PIB. À titre de comparaison, la dette de l'Allemagne représente environ 63 % de son PIB, celle de la France 113 % et celle du Japon environ 250 % (données de fin 2024).

D'un point de vue économique, une dette publique modérée permet une « politique fiscale anticyclique » : lorsque l'économie faiblit, le gouvernement peut emprunter pour soutenir l'activité. Les investisseurs achètent souvent volontiers ces obligations, qu'ils considèrent comme sûres, surtout en période de ralentissement économique.

La persistance de niveaux élevés de dette publique (ratios dette/PIB élevés) suscite des inquiétudes quant à la viabilité, car ces obligations sont considérées comme moins sûres. Cela peut rendre l'emprunt plus difficile ou conduire à des coûts d'intérêt plus élevés, les investisseurs devenant plus hésitants. Cela peut déclencher une spirale de la dette, où l'augmentation des paiements d'intérêts nécessite davantage de dette, ce qui entraîne des taux encore plus élevés. En fin de compte, cela pourrait forcer la main du gouvernement et limiter la flexibilité politique, comme on l'a vu en Grèce et dans d'autres pays pendant la crise de la zone euro.

Le gouvernement américain a-t-il une dette publique élevée ? Le débat n'est pas nouveau, mais il a été remis sous les feux de la rampe par la loi « One Big Beautiful Bill » du président Trump, adoptée par la Chambre des représentants le 22 mai 2025. Selon les estimations du Congressional Budget Office (CBO, une agence gouvernementale), cette loi creuserait les déficits américains de 3 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Des analystes indépendants suggèrent une augmentation encore plus importante.

La dette publique représente actuellement 98,1 % du PIB et devait déjà atteindre 117,1 % au cours de la prochaine décennie sur la base de la politique actuelle. Avec la nouvelle loi, et sur la base des projections de déficit ci-dessus, le CBO estime maintenant qu'elle atteindra 123,8 % en 2034. Si certaines mesures fiscales temporaires de la loi deviennent permanentes, le déficit pourrait augmenter de 4 500 milliards de dollars au total, ce qui porterait la dette publique à 127,7 % du PIB d'ici 2034. En supposant que la dette intra-gouvernementale n'ait pas augmenté de manière substantielle d'ici là, nous pourrions parler d'une dette totale de plus de 150 % en 2034.

La question clé est de savoir si les États-Unis entrent dans une spirale d'endettement. Ce n'est pas le cas actuellement, bien au contraire. Les taux d'intérêt ne sont pas orientés à la hausse. Le graphique montre que les rendements des bons du Trésor à 10 ans ont fluctué au cours des deux dernières années, mais ne montrent pas de tendance claire à la hausse. En fait, ils sont plus bas aujourd'hui qu'au début de l'année 2025. Ces mouvements de taux d'intérêt reflètent plutôt des changements dans les attentes en matière de croissance et d'inflation, et non une détérioration de la viabilité de la dette.

Aujourd'hui, un investisseur obtiendra un rendement de 4,4 % sur l'un des investissements les plus sûrs et les plus liquides qui soient. En 2020, ces taux étaient inférieurs à 1 %, ce qui rendait les obligations d'aujourd'hui beaucoup plus attrayantes. Les niveaux actuels des taux d'intérêt attirent manifestement davantage d'investisseurs. Cela crée un effet modérateur naturel, car davantage d'acheteurs entreraient sur le marché à des rendements plus élevés, ce qui réduirait le risque d'une spirale de l'endettement.

En outre, compte tenu de sa taille, la dette américaine, qui constitue l'une des plus grandes catégories d'actifs au monde, reste de facto l'actif de prédilection de nombreux investisseurs institutionnels, y compris des banques centrales étrangères. Mais l'incertitude politique récente aux États-Unis a encore érodé ce statut d'« actif de réserve ».

Il y a d'autres points à prendre en considération. La viabilité de la dette américaine a récemment fait l'objet d'une large couverture médiatique et de nombreux investisseurs restent sous-investis. Un tel sous-investissement structurel provoque souvent des reprises lorsque les investisseurs reviennent après une période d'absence. Le Trésor américain pourrait également émettre moins d'obligations du Trésor à long terme. Ces dernières sont plus difficiles à placer sur le marché. Or, la dette à court terme doit être refinancée plus fréquemment.

À moyen terme, d'autres dynamiques pourraient apparaître. Si la détérioration budgétaire se poursuit, les « justiciers » obligataires pourraient faire pression sur le gouvernement en poussant les rendements du Trésor à la hausse, ce qui obligerait Washington à réduire les déficits. Il s'agirait d'une voie plus douloureuse pour rétablir la viabilité de la dette.

D'autres outils existent, mais nous préférons qu'ils ne soient pas utilisés. La banque centrale, la Réserve fédérale, pourrait recommencer à acheter des obligations d'État, comme ce fut le cas au cours de la décennie précédente. Le gouvernement pourrait également contraindre des entités comme les banques, les assureurs ou les fonds de pension à acheter davantage d'obligations. Ces options ne sont pas souhaitables, car elles s'apparentent à une répression financière et conduisent à une mauvaise allocation des capitaux.

En conclusion, la viabilité de la dette est une préoccupation majeure et mérite un débat sérieux - aux États-Unis et ailleurs. La voie la plus prudente est celle de la discipline budgétaire. Les rendements actuels rendent les obligations attrayantes, même si de nombreux investisseurs restent prudents. Si nécessaire, des outils moins souhaitables existent pour stabiliser les marchés, mais pour l'instant, nous en sommes loin. La question clé pour de nombreux investisseurs reste la suivante : quel est le rendement cible pour acheter davantage ?

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CIO Fixed Income DPAM

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