Nucléaire : EDF détecte une corrosion à Civaux mais assure la continuité de la production

EDF a confirmé, le 16 juin, la découverte d’une corrosion sous contrainte sur le réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Civaux, dans le département de la Vienne. Cette annonce, qui réactive les souvenirs d’une crise majeure survenue en 2022-2023, replace brutalement le nucléaire français sous les projecteurs. Le groupe se veut rassurant, aucune conséquence sur la production électrique n’est à craindre. Mais derrière cette maîtrise affichée, la corrosion rôde à nouveau.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Last modified on 18 juin 2025 11h36
Nucléaire : EDF détecte une corrosion à Civaux mais assure la continuité de la production
Nucléaire : EDF détecte une corrosion à Civaux mais assure la continuité de la production - © Economie Matin

Corrosion détectée à Civaux, EDF se veut rassurant

Selon les propos de Régis Clément, directeur adjoint de la division production nucléaire d'EDF, tenus lors d’un point presse le 17 juin 2025 et dans des propos partagés par Les Echos, « on a détecté deux indications », autrement dit « la présence de défauts ». Le premier est lié à la fatigue thermique, un phénomène classique d’endommagement de l’acier sous l’effet de variations répétées de température, tandis que le second est plus préoccupant : de la corrosion sous contrainte.

L'anomalie détectée est une microfissure de 1 à 2 millimètres située sur une tuyauterie de secours, au niveau du circuit de refroidissement du réacteur à l'arrêt. Selon EDF, cette fissure a été repérée grâce à des contrôles par ultrasons lors d’une opération de maintenance planifiée. Mais le groupe est formel, il s’agit d’un cas isolé, qui ne nécessite aucun signalement à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Toutefois, l’ASN a été informée. EDF insiste sur l’absence d’impact : « non significatif sur la durée et la disponibilité du réacteur », et « aucun impact sur la disponibilité du parc et la production 2025 et des années ultérieures ».

Une corrosion connue mais toujours pas élucidée

La corrosion sous contrainte n’est pas une étrangère pour EDF. Elle avait déjà semé la panique en 2022, contraignant l’énergéticien à immobiliser plusieurs réacteurs pour inspection, provoquant des pertes records et une envolée des prix de l’électricité. En réponse, une vaste opération de remplacement des tronçons de tuyauterie sensibles avait été engagée. Et pourtant, le coude concerné par cette nouvelle corrosion avait été remplacé préventivement en 2022.

Ce retour d’un défaut sur une pièce neuve interroge lourdement la filière. Régis Clément reconnaît l’incertitude dans le quotidien : « Les analyses vont se poursuivre. On a besoin d'aller voir plus loin en laboratoire […] Ce travail se poursuit dans les semaines qui viennent. ». Une hypothèse envisagée serait la présence d’un polluant introduit lors de la soudure, ou encore un problème de conception structurel. Ce qui, si confirmé, poserait une nouvelle fois la question de la robustesse du parc français.

Nucléaire : EDF déploie des moyens pour contenir la corrosion

Pour tenter de désamorcer la polémique avant qu’elle ne prenne feu, EDF mise sur la transparence et l’efficacité de ses interventions. L’un des deux coudes fissurés a déjà été changé, l’autre est en cours de remplacement. Pour prévenir une récidive, une technique innovante appelée « arasage » a été utilisée. Elle consiste à aplatir le bourrelet créé par les soudures, zone critique où les tensions mécaniques sont maximales.

Sur les seize réacteurs identifiés comme les plus sensibles à la corrosion (notamment ceux de 1.300 et 1.450 mégawatts), neuf ont déjà été contrôlés, avec remplacement préventif de pièces en 2022-2023. En 2025, EDF prévoit 350 vérifications, dont plus de 200 ont déjà été effectuées sans découverte d’anomalie, selon ses données internes. Mais ces précautions suffisent-elles ? EDF affirme que le phénomène est « connu, prévenu, détecté tôt », mais concède que « le phénomène peut revenir ».

La production électrique sous surveillance, pas sous menace

Si les fissures détectées n’affectent pas directement le fonctionnement des réacteurs, elles alimentent la méfiance. L’agence Jefferies, spécialisée dans l’analyse financière du secteur, évoquait encore lundi « un risque de baisse de la disponibilité du nucléaire français en 2025-2026 », tout en soulignant que « la santé et les processus des actifs nucléaires français d'EDF se seront probablement améliorés de manière significative depuis 2021-2023, ce qui limite le risque d'un temps d'arrêt important ».

Il n’en reste pas moins que le réacteur de Civaux 2 ne redémarrera qu’au 30 juillet 2025, soit avec deux semaines de retard. Et ce glissement, même léger, alimente les critiques récurrentes sur la capacité réelle du nucléaire français à assurer sa part dans l’équation énergétique.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

No comment on «Nucléaire : EDF détecte une corrosion à Civaux mais assure la continuité de la production»

Leave a comment

* Required fields