Découvert : les frais bancaires bientôt interdits ?

Ils sont invisibles, mais massifs. Quotidiens, mais rarement compris. Les frais bancaires en cas de découvert sont devenus un angle mort du pouvoir d’achat. Pourtant, leur existence même est désormais sur la sellette.

By Alix de Bonnières Published on 14 juin 2025 15h00
frais bancaires
Découvert : les frais bancaires bientôt interdits ? - © Economie Matin

Le 5 juin 2025, une proposition de loi explosive a été débattue à l’Assemblée nationale. Portée par les députés du groupe communiste, elle vise un symbole du système bancaire français : les frais d’incidents en cas de découvert. Derrière cette offensive législative, une réalité chiffrée qui interpelle : chaque mois, près de 8 millions de Français se voient facturer ces frais. Le combat autour des frais bancaires entre dans une nouvelle phase.

Pourquoi les frais bancaires en cas de découvert choquent autant ?

Facturer dix euros pour un découvert… d’un euro. Voilà le genre d’absurdités qui hérissent les usagers. Et pour cause : selon une étude Panorabanques relayée par Capital le 8 juin 2025, 45 % des Français se retrouvent au moins une fois par an à découvert. Les frais bancaires fixes, dits « minima forfaitaires », frappent de plein fouet les petits découverts, souvent inférieurs à 400 euros.

« À la Banque Populaire du Sud, un découvert d’un euro peut entraîner un frais de 12,50 euros », rappelle Capital, citant RMC Conso. Une logique punitive, jugée « ubuesque » par l’UFC-Que Choisir, car ces frais sont appliqués indépendamment du montant réel du découvert. On paie dix euros… qu’on soit dans le rouge d’un euro ou de cent.

Les banques, elles, justifient ces frais bancaires par les coûts de gestion des irrégularités. Mais les députés à l’origine de la proposition de loi dénoncent une mécanique « sans justification économique ». Autrement dit : un levier lucratif, sans fondement rationnel.

Une rente estimée à 6,5 milliards d’euros par an pour les banques

Derrière cette mécanique, un chiffre affolant : 6,5 milliards d’euros par an. C’est ce que rapporteraient aux banques ces frais d’incidents, selon une estimation de l’Institut national de la consommation citée par Capital. Agios, lettres d’information, rejets de prélèvements, commissions d’intervention : la liste des pénalités est longue, opaque, et toujours en défaveur de l’usager.

Ce cocktail d’invisibilité tarifaire et d’inefficacité économique donne aux frais bancaires une dimension toxique pour les foyers les plus fragiles. « En moyenne, un client paie 113 euros par an pour des incidents », soulignent les députés du groupe GDR (Gauche démocrate et républicaine). Un prélèvement silencieux, mais massif, sur le budget de millions de Français déjà fragilisés.

Une proposition de loi qui vise l’intégralité des frais d’incidents bancaires

La proposition de loi n°1069, enregistrée le 11 mars 2025, veut frapper fort. Son objectif est clair : supprimer les frais d’incidents bancaires, notamment les commissions d’intervention et les minima forfaitaires. Le texte vise aussi à plafonner définitivement l’ensemble des frais liés aux comptes courants, dans une logique de protection des ménages.

Portée par les députés communistes et soutenue par les écologistes et une partie du groupe socialiste, cette initiative remet frontalement en cause le modèle économique des banques de détail. Et c’est bien cela qui inquiète les établissements. Car les commissions sur incidents représentent un relais de marge essentiel, dans un contexte de taux variables et de rentabilité incertaine.

Pourquoi maintenant ? La pression sociale et politique monte

Le contexte explique cette offensive. D’un côté, une montée des inégalités de trésorerie : selon l’Insee, près d’un tiers des foyers modestes se retrouvent à découvert au moins une fois par trimestre. De l’autre, une défiance croissante vis-à-vis des banques, perçues comme insensibles aux difficultés économiques.

La réforme est aussi portée par une stratégie politique : incarner un clivage entre les intérêts populaires et ceux des grandes institutions financières. « Les banques s’enrichissent sur les fragilités économiques de millions de Français », déclarent sans détour les auteurs de la proposition, toujours selon Capital.

Que dit le gouvernement ? L’épreuve du feu parlementaire reste entière

Le texte a été inscrit à l’ordre du jour parlementaire début juin, mais son avenir reste incertain. Aucun calendrier précis n’a été arrêté pour le vote final. Le gouvernement, lui, se montre pour l’instant réservé quant à la suppression des frais bancaires. Si le ministère de l’Économie reconnaît une « réflexion légitime sur les abus », il redoute les effets en cascade sur les équilibres bancaires. Bercy temporise.

De leur côté, les banques plaident pour une meilleure information plutôt qu’une interdiction. Certaines comme BNP Paribas ou Crédit Mutuel ont d’ailleurs commencé à moduler ou plafonner certains frais, dans une logique de prévention. Mais sans contrainte légale, ces initiatives restent rares et disparates.

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