Le regard que les Français portent sur leur administration publique a été mis en lumière. Entre perceptions anciennes, évolutions récentes et clivages politiques, un nouvel éclairage statistique vient questionner le dogme du « fonctionnaire en trop ».
Fonction publique : trop de personnel pour la moitié des Français

Le 17 avril 2025, les résultats d’une enquête menée par l’Institut CSA pour CNEWS, Europe 1 et Le Journal du Dimanche ont jeté un pavé dans la mare. Alors que le gouvernement prépare des arbitrages budgétaires drastiques, une majorité relative de Français semble pointer du doigt le nombre de fonctionnaires. Derrière cette donnée brute, le sondage révèle des fractures sociologiques et politiques nettes, qui dessinent les contours d’un débat plus idéologique que comptable.
Une photographie saisissante de l'opinion publique sur les fonctionnaires en France
Le 17 avril 2025, une enquête d’opinion commandée par CNEWS, Europe 1 et le Journal du Dimanche a mis en lumière un constat brut : 50 % des Français estiment que les effectifs de la fonction publique sont excessifs. Cette étude, confiée à l’Institut CSA, a été menée sur un échantillon représentatif de 1 002 personnes âgées de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas, entre le 15 et le 16 avril.
Ce chiffre symbolique de 50 % fait écho à un débat récurrent dans l’Hexagone sur la masse salariale publique. En comparaison, ils étaient 53 % à juger les fonctionnaires trop nombreux en octobre 2021. Une baisse marginale mais révélatrice d’un fléchissement perceptible de cette opinion, malgré un contexte budgétaire marqué par les restrictions.
Fonctionnaire : une figure perçue différemment selon l’âge, le genre et la classe sociale
Le fonctionnaire, figure centrale du débat public français, ne fait pas l’objet d’un consensus uniforme. Les données issues du sondage révèlent des écarts significatifs selon le genre, l’âge ou encore le statut professionnel.
Ainsi, 52 % des hommes considèrent les effectifs publics trop élevés, contre 48 % des femmes, qui semblent légèrement moins critiques à cet égard. L’écart se creuse davantage selon l’âge : 57 % des personnes de 65 ans et plus et 56 % des 25-34 ans estiment les effectifs excessifs, tandis que seulement 45 % des 18-24 ans et 40 % des 35-49 ans partagent cet avis.
Du côté des catégories socioprofessionnelles, les écarts sont ténus mais significatifs. 50 % des CSP+ (catégories socio-professionnelles supérieures) et 49 % des CSP- jugent les fonctionnaires trop nombreux, contre 51 % des inactifs.
Ces nuances sociologiques montrent une fracture générationnelle et un clivage de perception en fonction de l’implication ou de la proximité avec le secteur public.
L’influence décisive de l’orientation politique sur la vision du service public
Mais c’est sans doute dans les appartenances politiques que le contraste est le plus tranché. 25 % des électeurs de gauche considèrent qu’il y a trop de fonctionnaires. Ce rejet de l’idée de surnombre grimpe à 80 % chez les sympathisants d’Europe Écologie Les Verts (EELV), 77 % chez ceux de La France insoumise (LFI), et 71 % chez les électeurs du Parti socialiste (PS).
À droite, la tendance s’inverse radicalement : 75 % des sympathisants Les Républicains (LR) et 63 % de ceux du Rassemblement national (RN) estiment les effectifs publics trop importants. Le centre présidentiel se situe à mi-chemin : 60 % des électeurs proches de Renaissance considèrent que les effectifs doivent être réduits.
Comme le résume Europe 1 « le résultat est plus tranché en fonction de la proximité politique des sondés ».
Contexte économique et perception du poids budgétaire du secteur public
Le débat sur le nombre de fonctionnaires en France s’inscrit dans un contexte de fortes tensions budgétaires. Le Premier ministre a d’ailleurs lancé le 14 avril 2025 un « comité d’alerte sur le budget » pour tenter de contrôler une dépense publique jugée préoccupante.
D’après une étude de Fipeco citée par Le Journal du Dimanche, les rémunérations des agents publics s’élevaient à 346,2 milliards d’euros en 2023, soit 21,5 % des dépenses publiques et 12,3 % du PIB. À titre de comparaison, ce ratio n’est que de 7,9 % en Allemagne et de 8,2 % aux Pays-Bas. Pourtant, comme le souligne Le Figaro, l’OCDE relevait en 2023 que la France était l’un des rares pays développés où l’emploi public progressait moins vite que le privé entre 2019 et 2021.
Ces chiffres montrent que la perception d’un gonflement incontrôlé des effectifs publics ne repose pas toujours sur une dynamique réelle. En réalité, le nombre de fonctionnaires a baissé de 22 000 entre 2023 et 2024, selon le ministère.