Pâques : le plein de carburant à prix coûtant chez Leclerc

Alors que le printemps s’annonce tendu sur le front du pouvoir d’achat, une enseigne bien connue relance sa traditionnelle opération de carburant à prix coûtant. Ce retour en fanfare n’a rien d’anodin : derrière l’effet d’aubaine, c’est une guerre des marges qui se joue, à coups de centimes et de communication.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 17 avril 2025 10h34
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Pâques : le plein de carburant à prix coûtant chez Leclerc - © Economie Matin
1,60 EUROUn litre de carburant coûte plus de 1,60 euro en France.

Le carburant à prix coûtant revient pour Pâques : une opération ciblée… mais pas désintéressée

Du vendredi 18 au dimanche 20 avril 2025, les automobilistes pourront faire le plein dans les 730 stations-service E.Leclerc sans qu’un seul centime de marge ne soit prélevé par l’enseigne. Une annonce faite dès le 17 avril 2025, à la veille du long week-end pascal, pour coller au plus près des grands départs en famille.

Officiellement, il s’agit d’un "engagement concret pour le pouvoir d’achat", comme le souligne le communiqué officiel. Michel-Édouard Leclerc, président du comité stratégique de l’enseigne, enfonce le clou : « Pâques est une période où les déplacements peuvent peser lourd sur le budget, quelques semaines avant les vacances d’été. En maintenant nos engagements pour le pouvoir d’achat, nous proposons une mesure utile, immédiate et sans condition : le carburant à prix coûtant. » Mais au-delà du coup de projecteur ponctuel, c’est une stratégie commerciale bien rodée que le distributeur remet en scène, dans une logique de fidélisation et de fréquentation accrue en magasin.

Carburant à prix coûtant : du marketing à la pompe

Le mécanisme est simple : supprimer la marge nette sur le litre de carburant pour attirer les automobilistes… et, accessoirement, les faire passer par les rayons du supermarché. L’économie est modeste mais visible. À raison d’environ 0,10 euro d’économie par litre, un plein de 50 litres permettrait ainsi d’économiser environ 5 euros — une somme qui peut sembler dérisoire, mais qui devient stratégique lorsque des millions de clients sont concernés. Sauf que, dans la réalité, les gains tournent plutôt aux alentours de quelques centimes d'euro, soit moins de 5 euros sur l'ensemble du plein.

Cette pratique s’inscrit dans un modèle de distribution à bas prix où le carburant est utilisé comme produit d’appel, avec un objectif clair : faire venir les consommateurs jusqu’au parking. Et, in fine, qu’ils fassent leurs courses dans les magasins concernés. D’ailleurs, cette méthode est loin d’être nouvelle. Depuis 1978, date à laquelle Edouard Leclerc obtient la licence nécessaire pour vendre du carburant, l’enseigne s’est battue contre l’État et les compagnies pétrolières pour faire tomber les restrictions. Elle a remporté plusieurs procès, dont un décisif en 1985, où la Cour européenne lui donne raison, actant la fin du monopole sur les prix à la pompe.

Une tradition bien huilée : Pâques, été, rentrée… même stratégie, mêmes centimes économisés

En réalité, cette opération carburant à prix coûtant d’avril 2025 n’est qu’une itération de plus dans un calendrier bien huilé. Depuis plusieurs années, E.Leclerc multiplie les campagnes à date fixe : janvier, juillet, août, rentrée scolaire, Toussaint, Noël… pas moins de 15 opérations similaires entre 2023 et 2025, couvrant tout le territoire et mobilisant des dizaines de centres à chaque fois.

Et ce n’est pas un hasard. Leclerc privilégie les périodes de migration automobile : grands départs en vacances, ponts prolongés, fêtes familiales. Objectif : capter une clientèle mobile, soucieuse de grappiller quelques euros sur un plein, tout en renforçant l’image d’un distributeur proche du consommateur.

Une opération symbolique... mais critiquée

Cette stratégie, bien que plébiscitée par une large frange des automobilistes, n’est pas exempte de critiques. D’une part, la transparence sur le prix coûtant réel reste sujette à caution, puisque chaque station adapte ses tarifs à la réalité locale et aux négociations d’approvisionnement. D’autre part, plusieurs observateurs dénoncent un effet d’aubaine commercial, sans véritable incidence structurelle sur les prix.

Autre limite : tous les magasins ne participent pas systématiquement, la structure du groupe reposant sur un modèle d’indépendance locale. Résultat : certaines stations E.Leclerc appliquent l’opération, d’autres non, selon des critères commerciaux internes. Enfin, l’initiative n’a pas été suivie d’effet chez la concurrence. Ni Intermarché ni Carrefour n’ont emboîté le pas pour cette édition d’avril 2025, laissant Leclerc seul en scène… et seul à profiter du coup de pub.

Du carburant à prix coûtant, oui… mais attention

L’opération à prix coûtant organisée par E.Leclerc du 18 au 20 avril 2025 constitue un soulagement temporaire pour le portefeuille des automobilistes. Elle s’inscrit aussi dans une longue tradition de lutte pour la liberté des prix, incarnée par une enseigne qui n’a jamais hésité à se positionner contre les marges jugées excessives du secteur pétrolier.

Mais elle pose aussi la question d’un modèle de consommation où l’essence devient un outil d’attraction plus qu’un service, et où l’économie de quelques euros cache parfois des logiques commerciales bien plus complexes.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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