La cyberdéfense française franchit une nouvelle étape. En juin 2025, la Communauté cyber des armées prend de l’ampleur avec l’intégration de dix unités supplémentaires. Quelles en sont les ambitions ? Quel impact sur la sécurité nationale ?
La cyberdéfense française se développe avec 10 nouvelles unités
Le 27 juin 2025, une cérémonie militaire s’est tenue à Saint-Jacques-de-la-Lande, officialisant l’intégration de nouvelles unités au sein de la Communauté cyber des armées. Ce renforcement marque une étape structurante pour la cyberdéfense française, dans un contexte de tensions numériques croissantes.
Une communauté fédératrice au cœur de la stratégie cyber
La Communauté cyber des armées, créée en 2023 à l’initiative du général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées, vise à fédérer l’ensemble des entités militaires engagées dans le cyberespace. Elle regroupe des unités issues de l’armée de Terre, de l’armée de l’Air et de l’Espace, de la Marine nationale ainsi que de structures interarmées comme la DIRISI.
L’objectif de cette communauté est de structurer l’action cyber autour du Commandement de la cyberdéfense (COMCYBER), tout en garantissant une mise en œuvre cohérente et intégrée à tous les échelons opérationnels. Le lieutenant-colonel Jean-François Caverne évoquait une volonté de « bénéficier d’une structure fédératrice qui permet de penser et agir ensemble », soulignant l’esprit collaboratif au fondement de cette initiative.
Pourquoi renforcer la communauté maintenant ?
Les menaces cybernétiques ne cessent de se multiplier, à la fois en volume et en sophistication. Face à ces agressions hybrides, souvent invisibles mais potentiellement dévastatrices, l’État-major a choisi d’intensifier la synergie entre ses composantes. Le général Aymeric Bonnemaison, commandant de la cyberdéfense, a affirmé lors de la cérémonie du 27 juin que « il s’agit de fluidifier, dans chaque domaine de lutte, les niveaux stratégique, opératif et tactique… ». En d’autres termes, la cyberdéfense ne peut plus être segmentée : elle doit être transversale, fluide, en temps réel, intégrée à l’ensemble des dispositifs militaires.
Une extension opérationnelle concrète et ambitieuse
L’intégration de onze nouvelles unités porte à vingt-deux le nombre total d’éléments constituant la Communauté cyber des armées. C’est un bond capacitaire inédit. Ces unités proviennent des trois armées : Terre, Mer, Air, mais aussi de structures interarmées comme le Groupement de Cyberdéfense des Armées (GCA) ou encore le Centre opérationnel de sécurité de la DIRISI. Parmi les nouvelles entités, on compte notamment le régiment de cyberdéfense de l’armée de Terre, activé en février 2025, ou encore des centres de renseignement spécialisés dans le traitement de données numériques et les opérations électroniques.
Cette répartition permet une couverture géographique plus dense, une spécialisation fonctionnelle mieux répartie et un renforcement de l’action défensive et offensive. L’entrée de ces unités dans la CCA est également un levier pour renforcer la projection de puissance numérique dans les opérations extérieures et la protection des infrastructures critiques nationales.
Des atouts opérationnels renforcés
L’un des principaux avantages de cette extension est de permettre une articulation optimisée entre les capacités tactiques de terrain et les orientations stratégiques. Chaque unité, tout en conservant sa spécialité – guerre électronique, transmission, renseignement, sécurité des systèmes d’information –, participe désormais à une chaîne de commandement cyber intégrée. La mutualisation des ressources et des expertises, la standardisation des protocoles et l’interopérabilité entre les forces armées sont les piliers de cette dynamique. Les experts évoquent également la nécessité d’adapter rapidement les doctrines, les entraînements et les schémas de réaction aux nouvelles menaces. L’agilité décisionnelle devient une priorité opérationnelle.
Des défis structurels à surmonter
Cependant, cette montée en puissance n’est pas sans obstacles. Le recrutement de profils spécialisés en cybersécurité reste un défi majeur pour les armées, en concurrence avec le secteur privé. La formation initiale et continue de ces personnels doit être intensifiée, à l’image du mastère spécialisé en cyberdéfense mis en place récemment. De plus, la cohérence technologique entre systèmes interarmées exige des efforts d’intégration lourds, notamment sur le plan logistique et industriel. Enfin, la doctrine d’emploi de la CCA devra être ajustée pour intégrer les nouvelles capacités sans créer de rigidité bureaucratique ou de duplication des efforts.
L’intégration du régiment de cyberdéfense de l’armée de Terre incarne cette transformation. Basé à Saint-Jacques-de-la-Lande, ce régiment vise un effectif de 400 cyber-combattants d’ici 2030. Il s’agit du premier régiment français spécifiquement dédié à la cyberdéfense opérationnelle. Cette force nouvelle se positionne à la croisée des fonctions de renseignement, d’attaque numérique et de protection des réseaux. Elle illustre l’ambition française de ne plus seulement défendre, mais aussi de manœuvrer dans le cyberespace avec réactivité et souveraineté.