L’intelligence artificielle va démocratiser le droit

L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle générative (IAG) marque un tournant majeur pour le monde juridique. Dans le sillage de cette révolution technologique, le droit, longtemps perçu comme complexe, opaque, réservé à ceux qui savent le décoder, entre dans une ère nouvelle : celle de l’accessibilité, de la clarté et de l’instantanéité.

Photo Thierry Cotty Libre De Droit
By Thierry Cotty Published on 1 juillet 2025 5h30
avocat, magistrat, piratage, danger
avocat, magistrat, piratage, danger - © Economie Matin
2000 MILLIARDS $D'ici 2030, le marché de l'intelligence artificielle devrait représenter près de 2000 milliards de dollars

Des milliers de justiciables, particuliers comme entrepreneurs, s’emparent déjà de ces outils pour poser des questions juridiques simples, générer des contrats types, ou mieux comprendre les enjeux d’un litige. L’étude récente commandée par le Conseil National des Barreaux montre qu’une majorité des clients d’avocats, notamment les plus jeunes, utilise déjà l’IA pour préparer ou accompagner une démarche juridique. Cette évolution ne fait que commencer.

Faut-il s’en alarmer ? Je crois, au contraire, qu’il faut s’en réjouir. L’intelligence artificielle, loin de ringardiser notre profession, nous oblige à nous recentrer sur ce qui fait l’essence même du métier d’avocat : la capacité à entendre, à interpréter, à porter une parole, à assumer une responsabilité. En somme, à être un être humain dans une relation humaine.

Certes, l’IA permet de gagner du temps sur des tâches répétitives : synthétiser des documents, extraire des informations, rédiger un courrier, proposer une première base contractuelle. Elle est rapide, disponible, économique. Mais ce que les clients attendent, ce n’est pas seulement de l’information, c’est du sens. Ce n’est pas un avis générique, c’est une stratégie adaptée à leur situation, juridiquement solide et émotionnellement accompagnée.

Car le droit n’est pas une mécanique froide. Il est toujours une matière vivante, incarnée, où les nuances comptent. Il faut défendre, convaincre, arbitrer, choisir. Or, cela suppose du discernement, de la responsabilité et parfois du courage. Aucun algorithme ne peut se substituer à cela.

C’est une transformation culturelle autant que technique. Elle bouscule nos habitudes, nos modèles économiques, notre rapport au temps. Mais elle est porteuse d’une promesse enthousiasmante : celle de rendre le droit plus accessible, plus rapide, plus juste. À condition que les avocats s’en emparent, non comme des gardiens frileux d’un monopole, mais comme des bâtisseurs d’un droit augmenté, plus proche, plus humain.

Dans un monde saturé d’informations et de complexité, l’avocat augmenté par l’IA ne sera pas un juriste déshumanisé. Il sera, au contraire, celui qui redonne sens, hiérarchie et confiance.

L’IA ne remplacera donc pas les avocats. Mais elle changera la manière dont nous exerçons. Et cela, nous devons l’anticiper. Elle modifiera les attentes de nos clients : plus de transparence, plus d’efficacité, plus d’interactivité. Elle bousculera notre modèle économique : moins de temps passé sur certaines tâches, donc des honoraires à redéfinir. Elle appellera aussi une vigilance accrue sur la confidentialité, la sécurité des données, l’éthique de nos pratiques.

Le rôle de l’avocat évoluera vers celui d’un stratège, d’un accompagnateur, d’un garant. Dans cette nouvelle configuration, il ne s’agira pas seulement de « faire du droit », mais de redonner du pouvoir d’agir aux clients, en les guidant avec les bons outils, au bon moment. L’IA sera un levier d’émancipation pour le justiciable, et pour l’avocat, un levier d’amplification de sa valeur.

Encore faut-il que nous ne restions pas spectateurs de cette transformation. Nous pouvons dès maintenant nous emparer de ces technologies, les encadrer, les intégrer tout en ayant à l’esprit que le droit ne se réduit pas à une suite de réponses automatiques, mais qu’il est, par nature, dialogue et interprétation.

L’IA générative est une chance historique pour démocratiser l’accès au droit. À nous, avocats, de faire en sorte que cette démocratisation ne soit pas une déshumanisation, mais au contraire, l’occasion de replacer l’humain au centre de tout.

Photo Thierry Cotty Libre De Droit

Président du cabinet CVML et de Legisto.fr, avocat au Barreau de Paris depuis 1984.

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