Au cœur des couloirs ministériels, une opération de « ménage » d’envergure est en marche. Suppressions, fusions, rationalisations : dans l’ombre, l’État aiguise ses ciseaux budgétaires. Mais derrière les slogans de simplification, qui sont vraiment les cibles du grand dégraissage ?
Agences de l’État : la grande purge budgétaire est lancée

Agences de l’État : quand la chasse au gaspi devient une urgence budgétaire
Le 27 avril 2025, la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, a secoué l'organigramme de l'État : « d’ici à la fin de l’année proposer dans le budget la suppression ou la fusion d’un tiers des agences et des opérateurs ». Épargnées, les universités ; pour le reste, les menaces planent. Dans un contexte où le déficit public a atteint 5,8% du produit intérieur brut en 2024, cette purge est présentée comme une nécessité vitale pour rentrer dans les clous sur le plan financier.
« L'État va faire du ménage dans son organisation », a martelé Amélie de Montchalin. Derrière l'euphémisme, la promesse est claire : moins d'emplois publics, moins de structures redondantes, moins d'inefficacités. Mais quelles sont réellement les agences visées par ce grand jeu de massacre ?
Agences publiques : les premières cibles du couperet budgétaire
Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les agences régionales de santé (ARS), Business France... autant d’opérateurs déjà mentionnés au sein de l’Assemblée nationale. En janvier 2025, François Bayrou, alors Haut-commissaire au Plan, avait lancé l'offensive en dénonçant une « organisation devenue illisible » pour les Français, créant des « inefficacités pour l’État ».
Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie, n’avait pas mâché ses mots non plus. En mars 2024, il avait averti que « toutes les agences de l'État » pourraient être concernées, dans une lettre adressée aux 438 opérateurs publics, exigeant des réductions sur leur masse salariale et leurs dépenses de fonctionnement.
Faut-il voir dans cette énumération prudente une simple pression psychologique ou l'annonce déguisée d'une purge à venir ? À écouter les ministres, difficile de ne pas sentir le vent tourner pour de nombreuses structures étatiques.
Budgetaire : l'Ademe, symbole d'une rationalisation controversée
L’Ademe (Agence de la transition écologique) apparaît comme la cible emblématique du débat. Pour Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, sa suppression est une évidence : « Le problème, c’est que quasiment tous les projets financés par l’Ademe le sont aussi par la Banque des territoires et par les régions. Ça veut dire qu’il y a trois administrations qui planchent sur les mêmes projets ».
Un constat partagé par le Rassemblement national, qui, dès octobre 2023, réclamait la suppression de 80 agences et opérateurs, citant pêle-mêle : l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la Commission nationale du débat public, l’Agence française de lutte contre le dopage, mais aussi les parcs nationaux, l'Agence nationale de l'habitat, et plusieurs offices publics.
Derrière ce ballet de propositions, une obsession budgétaire assumée : ramener progressivement le déficit à 4,6 % du PIB en 2026, en économisant quelque 40 milliards d'euros supplémentaires.
Agences de l’État : vers un big bang administratif ou simple effet d’annonce ?
Au milieu de cette frénésie réformatrice, une question surgit : ces suppressions et fusions annoncées ne sont-elles qu'une rustine sur une machine d'État obsolète ? La commission d’enquête du Sénat sur les missions des agences publiques devra apporter un éclairage supplémentaire à la mi-mai 2025, moment où Amélie de Montchalin promet de faire des annonces concrètes. Il n’y a pas de l’argent de l’État, il n’y a que l’argent des Français », martèle la ministre, justifiant une rigueur qui fait grincer des dents jusque dans les rangs de la haute fonction publique.
D’ici la fin 2025, l’heure de vérité sonnera pour un tiers des agences et opérateurs. Fusionnés, dissous, absorbés ou repensés, ils devront justifier leur existence face à un exécutif déterminé à prouver qu’un État plus léger est aussi un État plus efficace. Mais à trop couper, l’État risque-t-il de s'amputer de compétences essentielles ?