L’affaire Averroès ne se limite pas à un débat juridique ou idéologique. En toile de fond, ce sont plusieurs centaines de milliers d’euros d’argent public qui reviennent dans le circuit budgétaire de cet établissement privé.
Lycée Averroès : la justice a tranché, vous allez payer

Une condamnation financière directe : la région devra payer
Le tribunal administratif de Lille a ordonné à la Région Hauts-de-France de verser au lycée Averroès plus de 750 000 euros au titre du forfait d’externat, correspondant aux années scolaires 2020-2021, 2021-2022 et 2022-2023. Cette somme s’ajoute aux 1,6 million d’euros de subventions publiques que l’établissement retrouvera avec le rétablissement de son contrat d’association avec l’État, jugé illégalement rompu.
Le forfait d’externat est une contribution publique obligatoire versée à tous les lycées sous contrat, calculée selon le coût moyen d’un élève dans un lycée public. Il couvre une part significative des frais de fonctionnement de l’établissement : chauffage, entretien, équipement, documentation. Son montant dépasse 250 000 euros par an.
Une série de condamnations répétées
Depuis 2019, la région — dirigée par Xavier Bertrand — refuse chaque année de verser cette subvention. Chaque année, la justice l’y contraint. Ce cycle de refus – condamnation – paiement a un prix : au-delà des sommes dues, il mobilise des services juridiques, des frais de contentieux, et alourdit indirectement la charge pour les finances publiques régionales.
Et ce n’est pas fini : la décision de rétablissement du contrat avec l’État, rendue le 23 avril 2025, pourrait entraîner des demandes de compensation supplémentaires, notamment pour préjudice financier et moral, ainsi qu’un rétropaiement des salaires enseignants suspendus depuis septembre 2024.
Pourquoi le lycée Averroès avait perdu ses subventions
Le lycée Averroès avait perdu ses subventions publiques à la suite d’une décision de la préfecture du Nord, prise le 7 décembre 2023. Le contrat d’association liant l’établissement à l’État avait été résilié au motif de manquements présumés aux principes républicains. Parmi les arguments avancés figuraient des soupçons d’orientation idéologique jugée problématique, qualifiée de "salafo-frériste" par les autorités, une expression désignant l'influence conjointe de courants salafistes et des Frères musulmans.
L’administration avait également mis en cause un manuel religieux contenant des passages controversés sur la peine de mort pour apostasie, qui aurait été mentionné dans une bibliographie pédagogique. Enfin, la nature de certains financements étrangers, notamment d’origine qatarienne, avait été évoquée comme preuve indirecte d’une forme d’influence extérieure sur le fonctionnement de l’établissement. L’ensemble de ces éléments, selon le préfet, aurait constitué un danger pour les élèves et un manquement aux valeurs de la République.
... Et pourquoi il les retrouve
Mais le 23 avril 2025, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision. La juridiction a estimé que les motifs évoqués ne reposaient sur aucune preuve suffisante. Le rapporteur public a rappelé que les pièces du dossier ne permettaient pas de démontrer l’existence de contenus contraires à la législation en vigueur, ni d’atteintes aux obligations contractuelles. Le manuel controversé, en particulier, n’avait jamais été accessible au sein du centre de documentation de l’établissement, comme l’a déclaré son directeur.
Au-delà du fond, la procédure préfectorale elle-même a été jugée irrégulière : l’arrêté a été invalidé pour vice de forme et pour erreur manifeste d’appréciation. En conséquence, le lycée a recouvré son contrat avec l’État, et avec lui ses subventions, évaluées à 1,6 million d’euros, auxquelles s’ajoutent plus de 750 000 euros dus par la région au titre du forfait d’externat pour les années scolaires antérieures.
Quel impact pour les contribuables et les parents d’élèves ?
Le lycée Averroès accueille environ 300 élèves chaque année, souvent dans des filières générales. Il affiche des taux de réussite au baccalauréat supérieurs à 90 %, et se classe régulièrement parmi les meilleurs établissements de Lille. Comme dans de nombreux autres établissement, aconfessionnels, catholiques, etc., chaque élève coûte en moyenne plusieurs milliers d’euros à l’État. Un coût qui implique de nombreuses inspections.
Quand les lycées deviennent des lignes budgétaires sensibles
Cette affaire pose une question de fond : comment éviter que des décisions politiques ou idéologiques, dans un sens comme dans l’autre, ne finissent par alourdir inutilement les dépenses publiques ? Chaque contentieux engagé contre une structure éducative implique du personnel, des magistrats, des délais, et in fine, une dépense supplémentaire.
Pour les contribuables, le calcul est vite fait : plus d’un million d’euros en trois ans ont été ou vont être versés à un seul établissement, à la suite de décisions contestées et annulées.