RSA : les départements refusent de financer les décisions de l’Etat

Une revalorisation de 1,7 %, un coût estimé à plusieurs millions, et des présidents de département qui refusent de céder. La hausse du RSA, entrée en vigueur au 1er avril, déclenche une crise financière et politique entre l’État central et les exécutifs locaux.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 17 avril 2025 16h11
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900 millions d’eurosLe gouvernement demande aux départements une contribution de 900 millions d’euros au budget national 2025.

Le 16 avril 2025, un nouveau chapitre s’est ouvert dans la guerre budgétaire opposant l’État et les collectivités. Au cœur de l’affrontement : le RSA (revenu de solidarité active). Alors que le gouvernement a décrété une revalorisation de 1,7 % de cette prestation sociale à compter du 1er avril, plusieurs départements montent au créneau. Ils refusent de payer pour une décision qu’ils n’ont ni décidée ni budgétée.

Revalorisation du RSA : pourquoi les départements refusent de financer

Le RSA, prestation destinée à garantir un revenu minimal aux personnes sans ressources, concerne plus de 1,83 million de foyers, soit près de 3,6 millions de personnes selon la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Depuis le 1er janvier 2025, il est également lié à de nouvelles obligations, dont l’inscription automatique à France Travail et la signature d’un contrat d’engagement prévoyant jusqu’à 15 heures d’activité hebdomadaire.

Mais cette évolution s’accompagne d’un coût que les départements refusent désormais d’assumer seuls. Dans une motion adoptée à l’unanimité par les membres de l’association Départements de France, les exécutifs locaux ont tranché : ils ne paieront pas la revalorisation décidée par le gouvernement. La commission exécutive dénonce « l’impact cumulé des décisions unilatérales de l’État depuis 2022 » estimé à 5,5 milliards d’euros et exige une compensation à hauteur de 50 % des allocations individuelles de solidarité.

Quels sont les départements concernés ? Une opposition transpartisane

Le refus de financer ne se limite pas à un bord politique. En Maine-et-Loire, Florence Dabin (divers droite) s’insurge contre une mesure prise sans concertation : « Une trahison. C’est un manque de respect total de notre rôle d’élu », déclare-t-elle dans Ouest-France. Le surcoût pour son département s’élèverait à 1,5 million d’euros, sur un budget d’insertion de 98 millions d’euros.

Dans le Loir-et-Cher, Philippe Gouet (UDI) assume : « On ne paye pas, et on attend une compensation à sa juste valeur des ministères » sur France 3 Régions. Le département devra absorber 850 000 euros supplémentaires en 2025. Et ce n’est pas un cas isolé. L’Indre-et-Loire, le Loiret, l’Indre, autant de territoires où les élus locaux ont décidé de ne pas rembourser la Caisse d’allocations familiales (CAF) pour cette hausse.

Même François Sauvadet, président de l’association Départements de France, prévient : « L’État est le principal responsable de la dégradation de notre situation ».

RSA en hausse, finances en chute libre : le dilemme des collectivités

Le RSA a augmenté, mais les ressources des départements ont fondu. Les droits de mutation à titre onéreux, impôts perçus sur les ventes immobilières, ont chuté de 13 % en 2024 à cause du marché en berne. Résultat : des budgets sociaux en déséquilibre, et des dépenses en forte croissance liées à la prise en charge de l’enfance, du handicap ou des personnes âgées.

Philippe Gouet évoque un « effet ciseau » entre « explosion de nos financements sur les solidarités » et « baisse significative de nos recettes ». Il rappelle qu’en 2015, 70 % des dépenses sociales étaient compensées par l’État, contre 40 % aujourd’hui.

Pire encore, le gouvernement demande aux départements une contribution de 900 millions d’euros au budget national 2025, accentuant la tension. Dans le Loir-et-Cher, le RSA pèsera pour plus de 50 millions d’euros cette année, soit plus de 10 % du budget départemental.

Du côté de l'État : un impératif d’insertion et de responsabilité

Le gouvernement, lui, ne plie pas. Il estime que le RSA doit évoluer pour renforcer l’insertion professionnelle des bénéficiaires et réduire la dépendance aux prestations sociales. L’ensemble des nouvelles modalités (contrat d’engagement, 15 heures d’activité, suivi personnalisé) a été généralisé au 1er janvier 2025, après une expérimentation dans 47 territoires.

Selon le décret du 30 décembre 2024 (publié sur Legifrance), ces dispositions visent à responsabiliser les allocataires tout en renforçant l’accompagnement vers l’emploi. Dans cette logique, l’État considère que la gestion de l’insertion relevant des départements, ce sont donc eux qui doivent assumer le financement de la revalorisation.

Une ligne que Catherine Vautrin, ministre du Travail et des Solidarités, a rappelée aux présidents de conseils départementaux lors de récentes réunions. En privé, certains élus affirment qu’elle a déclaré : « Nous n’avons plus les moyens de financer notre système de protection sociale ».

Une fracture institutionnelle qui pourrait s’amplifier

La situation actuelle menace de paralyser la solidarité nationale. Tandis que la CAF continuera de verser le RSA aux allocataires comme prévu, les départements s’opposent à rembourser les surcoûts. Ce qui pourrait créer un déficit dans les caisses locales, ou déclencher une réaction juridique de l’État.

Certains présidents de département appellent à la création d’un comité d’alerte, équivalent à celui prévu pour les comptes de la Sécurité sociale, afin de surveiller la viabilité financière des collectivités.

« On est asphyxiés », résume Philippe Gouet. Et cette fois, la crise ne concerne plus seulement un taux, mais la gouvernance de la solidarité en France.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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